Qatar
Il n’y a pas d’organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. affiliée à la CSI au Qatar.
Le Qatar n’a ratifié ni la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) ni la Convention n° 98 sur le droit d’organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. et de négociation collective (1949).
Dans la loi
Liberté syndicale / Droit d’organisation
Liberté syndicale
Le droit à la liberté syndicale est reconnu par la législation mais est strictement réglementé.
Discrimination antisyndicale
La législation ne protège pas explicitement les travailleurs/euses de la discrimination antisyndicale.
Obstacles juridiques à l’établissement d’organisations
- Un nombre minimum de membres excessif est nécessaire pour établir un syndicat
- Les comités généraux - dont est composé le Syndicat général des travailleurs du Qatar - doivent chacun compter au minimum 100 membres.
- Restrictions au droit des syndicats d’établir des sections, une fédération et confédération ou de s’affilier à des organisations nationales et internationales)
- En vertu de l'article 123 de la loi sur le travail n° 14, "L'Union générale des travailleurs du Qatar peut, après approbation du ministère, adhérer à toute organisation arabe ou internationale travaillant dans le domaine des organisations de travailleurs".
Restrictions au droit des travailleurs/euses de former des syndicats de leur choix et d’y adhérer
- Système syndical unique imposé par la législation et/ou système interdisant ou limitant la syndicalisation à un certain niveau (de l’entreprise, industriel/sectoriel, régional/territorial, national)
- Le Code du travail du pays n’autorise la présence que d’un seul syndicat, à savoir le Syndicat général des travailleurs du Qatar, composé de comités généraux pour les travailleurs dans les différentes professions ou industries.
- Imposition par la loi de restrictions au droit des travailleurs/euses d’adhérer à un syndicat de leur choix
- En vertu de l'article 116 de la loi sur le travail n° 14, "Il ne peut être formé plus d'un comité dans l'établissement. Les comités d'ouvriers des établissements exerçant un commerce ou une industrie ou des commerces ou industries similaires ou interdépendants sont autorisés à former entre eux un comité général qui sera appelé Comité général des ouvriers du commerce ou de l'industrie. Les comités généraux des travailleurs des différents métiers et industries peuvent former une union générale qui sera nommée "Union générale des travailleurs du Qatar".
Restrictions au droit des syndicats d’organiser leur gestion
- Restrictions au droit d’élaborer librement leurs Statuts et règlements
- Le décret n° 10/2006 prévoit que les statuts des organisations du travail (comités) doivent être conformes au modèle de statut annexé.
- Restrictions au droit d’élire des représentants et de s’autogérer librement
- L'article 4 de la loi type prévoit que les membres du syndicat doivent être qatariens et que les travailleurs non qatariens, bien qu'ils puissent s'affilier à condition d'être en possession d'un permis de travail et d'avoir travaillé dans le pays pendant au moins cinq ans, n'ont pas le droit de voter, de désigner des candidats ou d'assister aux assemblées générales, mais seulement de choisir un représentant pour exprimer leur point de vue au conseil.
- Restrictions au droit d’organiser librement des activités et d’élaborer des programmes
- Les organisations de travailleurs n’ont pas le droit d’exercer des activités politiques, notamment la distribution de matériel constituant une offense à l’État ou au gouvernement, la pratique de la spéculation financière, l’acceptation de dons sans l’autorisation du ministère.
- Autorités administratives habilitées à dissoudre, à suspendre ou à annuler unilatéralement l’enregistrement d’organisations syndicales
- Le ministre peut dissoudre toute organisation de travailleurs qui exerce des activités interdites par la loi du travail.
Catégories de travailleurs/euses à qui la loi interdit ou restreint la possibilité de former un syndicat ou d’y adhérer, ou d’occuper une fonction syndicale
- Autres catégories
- Les gens de mer ainsi que les travailleurs occasionnels n’ont pas le droit de se syndiquer.
- Autres fonctionnaires ou agents publics
- Les fonctionnaires ne sont pas autorisés à se syndicaliser.
- Travailleurs/euses non nationaux ou migrants
- Les travailleurs migrants n'ont pas le droit de s'organiser en syndicat.
- Travailleurs/euses agricoles
- Les travailleurs employés dans l’agriculture et l’élevage, outre les indépendants et les travailleurs/euses permanents dans l’opération ou la réparation des machines agricoles nécessaires, n’ont pas le droit de se syndiquer.
- Travailleurs/euses domestiques
- Les travailleurs/euses domestiques, notamment les chauffeurs, les infirmiers, les cuisiniers, les jardiniers et autres catégories de travailleurs apparentées, n’ont pas le droit de se syndiquer.
Droit de négociation collective
Droit de négociation collective
Le droit de négociation collective est reconnu par la législation mais n’est pas adéquatement encouragé ni promu.
Obstacles juridiques à la reconnaissance des agents de la négociation collective
- Exigences injustifiées concernant la structure, la composition et l’affiliation de syndicats
- Le code du travail du pays n'autorise qu'un seul syndicat : l'Union générale des travailleurs du Qatar, composée des comités généraux couvrant les travailleurs de différents métiers ou industries.
Restrictions au principe de négociation libre et volontaire
- Exclusion de certaines questions du champ de la négociation (par exemple, salaires, horaires)
- La législation autorise les syndicats à mener des négociations collectives mais restreint fortement ce droit en maintenant le contrôle que le gouvernement exerce sur les règles et procédures de négociation, notamment les restrictions au contenu, à la portée, à la durée et à l'interprétation des conventions.
- Procédure d’arbitrage
arbitrage
Mécanisme de résolution extrajudiciaire des litiges impliquant l’intervention d’un tiers neutre, qui peut être soit un arbitre unique, soit une commission d’arbitrage. Dans le cadre d’un arbitrage non contraignant, les parties en désaccord sont libres de rejeter la recommandation émise par le tiers. Si elles se soumettent à un arbitrage contraignant, elles sont alors liées par sa décision. On parlera d’arbitrage obligatoire lorsqu’il s’agit d’une procédure prescrite par la loi ou relevant d’une décision des autorités, à laquelle les parties ne se soumettent pas volontairement.
Voir conciliation, médiation
obligatoire en cas E149de différend durant la négociation collective négociation collective Processus de négociation de conditions de travail acceptables pour les deux parties et de réglementation des relations sociales entre un ou plusieurs représentants des travailleurs, des syndicats ou des centrales syndicales d’un côté et un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations patronales de l’autre.
Voir convention collective
, à l’exception des services essentiels services essentiels Services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. C’est par exemple le cas du secteur hospitalier, des services d’approvisionnement en électricité et en eau et du contrôle du trafic aérien. Les grèves y sont soumises à des restrictions, voire interdites.
Voir Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI - L'article 130 de la loi sur le travail, loi n° 14, dispose que "si la médiation du Département ne conduit pas au règlement du litige dans un délai de 15 jours à compter de la date de la réponse de l'employeur, le Département soumet le litige à un comité de conciliation pour décision [... ]La décision du comité est contraignante pour les deux parties au litige si les parties étaient convenues par écrit de soumettre le litige au comité avant sa réunion pour statuer sur le litige et si aucun accord n'a été conclu à cet égard, le litige est soumis à un comité d'arbitrage dans les quinze jours et l'arbitrage est obligatoire pour les deux parties".
Restrictions à la portée de l’application et à l’effectivité juridique des conventions collectives conclues
- Restrictions à la durée, à la portée de l’application ou à la couverture des travailleurs/eusses par les conventions collectives
- La législation autorise les syndicats à mener des négociations collectives mais restreint fortement ce droit en maintenant le contrôle que le gouvernement exerce sur les règles et procédures de négociation, notamment les restrictions au contenu, à la portée, à la durée et à l'interprétation des conventions.
Limitations ou interdiction de la négociation collective dans certains secteurs
- Autres fonctionnaires et agents publics
- La loi sur le travail ne s'applique pas aux "employés et travailleurs des ministères et autres organes gouvernementaux, des institutions publiques, des sociétés et entreprises qui sont établies par Qatar Petroleum par elle-même ou avec d'autres, et aux travailleurs dont les affaires d'emploi sont régies par des lois spéciales" (article 3 de la loi sur le travail n° 14).
- Autres catégories
- La loi sur le travail ne s'applique pas aux travailleurs employés en mer, aux travailleurs agricoles, aux travailleurs domestiques et aux travailleurs occasionnels (art.3 de la loi sur le travail n° 14).
Droit de grève
Droit de grève
Le droit de grève est reconnu par la législation mais est strictement réglementé.
Obstacles juridiques aux actions de grève
- Autorisation ou approbation préalables par les autorités nécessaires pour organiser une grève légale
- Le ministère du Travail, en collaboration avec le ministre des Affaires intérieures, doit approuver l’heure et le lieu d’une grève.
- Obligation d’atteindre un quorum excessif ou d’obtenir une majorité excessive lors d’un vote pour convoquer une grève
- Afin de convoquer une grève, les trois quarts du comité général des travailleurs dans le secteur ou l’industrie doivent approuver la grève.
- Préavis/période de réflexion excessivement longs
- Les comités de travailleurs sont tenus de donner à l’employeur un préavis de deux semaines minimum avant de lancer la grève.
- Recours obligatoire à l’arbitrage
arbitrage
Mécanisme de résolution extrajudiciaire des litiges impliquant l’intervention d’un tiers neutre, qui peut être soit un arbitre unique, soit une commission d’arbitrage. Dans le cadre d’un arbitrage non contraignant, les parties en désaccord sont libres de rejeter la recommandation émise par le tiers. Si elles se soumettent à un arbitrage contraignant, elles sont alors liées par sa décision. On parlera d’arbitrage obligatoire lorsqu’il s’agit d’une procédure prescrite par la loi ou relevant d’une décision des autorités, à laquelle les parties ne se soumettent pas volontairement.
Voir conciliation, médiation
ou à des procédures de conciliation conciliation Tentative par un tiers neutre ou un conciliateur de favoriser la résolution d’un conflit du travail par la discussion, des conseils ou une reformulation des problèmes afin d’amener les parties en conflit à aplanir leurs divergences. Le conciliateur ne joue pas un rôle aussi actif qu’un médiateur ou un arbitre.
Voir arbitrage, médiation et de médiation médiation Procédure de médiation à mi-chemin entre la conciliation et l’arbitrage, où une tierce partie neutre aide les parties en conflit à résoudre un conflit social en leur suggérant des solutions non contraignantes.
Voir arbitrage, conciliation longues et complexes préalablement aux actions de grève grève Forme d’action collective la plus répandue, la grève désigne un arrêt de travail concerté sur une période limitée et peut revêtir de nombreuses formes.
Voir grève générale, grève intermittente, grève tournante, grève d’occupation, grève de solidarité, grève sauvage - Une longue procédure de règlement des différends doit être épuisée avant de convoquer une grève légale.
- Autres conditions préalables indues, déraisonnables ou injustifiées
- Les travailleurs/euses du secteur privé, qui pour la plupart jouissent du droit de grève, ne peuvent y recourir qu’une fois que le département du travail du ministère du Service civil s’est prononcé sur le conflit, ce qui revient quasiment à vider les actes de grève de leur finalité.
Ingérence injustifiée par les autorités ou les employeurs au cours d’une grève
- Autorités ou employeurs habilités à empêcher une grève
grève
Forme d’action collective la plus répandue, la grève désigne un arrêt de travail concerté sur une période limitée et peut revêtir de nombreuses formes.
Voir grève générale, grève intermittente, grève tournante, grève d’occupation, grève de solidarité, grève sauvage ou à y mettre fin en soumettant le différend à l’arbitrage arbitrage Mécanisme de résolution extrajudiciaire des litiges impliquant l’intervention d’un tiers neutre, qui peut être soit un arbitre unique, soit une commission d’arbitrage. Dans le cadre d’un arbitrage non contraignant, les parties en désaccord sont libres de rejeter la recommandation émise par le tiers. Si elles se soumettent à un arbitrage contraignant, elles sont alors liées par sa décision. On parlera d’arbitrage obligatoire lorsqu’il s’agit d’une procédure prescrite par la loi ou relevant d’une décision des autorités, à laquelle les parties ne se soumettent pas volontairement.
Voir conciliation, médiation
- L'article 130 de la loi sur le travail n° 14 impose une procédure d'arbitrage obligatoire avant qu'une grève puisse être déclenchée.
Dispositions sapant le recours aux actions de grève ou leur efficacité
- Absence de protection spécifique des travailleurs/euses impliqué(e)s dans des actions de grève légales (par exemple, contre le licenciement)
- Au titre des mêmes conditions que celles des travailleurs/euses du secteur privé, les employeurs sont autorisés à lock-outer ou à congédier les travailleurs/euses.
Limitations ou interdiction de grèves dans certains secteurs
- Restrictions injustifiées en ce qui concerne les fonctionnaires
- Les employés de la fonction publique ne peuvent pas faire grève.
- Détermination discrétionnaire ou liste excessivement longue des « services essentiels
services essentiels
Services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. C’est par exemple le cas du secteur hospitalier, des services d’approvisionnement en électricité et en eau et du contrôle du trafic aérien. Les grèves y sont soumises à des restrictions, voire interdites.
Voir Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI » dans lesquels le droit de grève grève Forme d’action collective la plus répandue, la grève désigne un arrêt de travail concerté sur une période limitée et peut revêtir de nombreuses formes.
Voir grève générale, grève intermittente, grève tournante, grève d’occupation, grève de solidarité, grève sauvage est interdit ou strictement limité - Aucun travailleur d’un secteur public, d’un service de santé ou de sécurité ne peut entamer une action de grève qui serait préjudiciable au public ou entraînerait des dommages à la propriété. Les travailleurs des industries pétrolière et gazière, des ports et des transports en général font partie de cette catégorie.
- Autres limitations (par exemple, dans les ZFE)
- Les travailleurs/euses domestiques ne peuvent pas faire grève.
Autres restrictions
- Autres restrictions
- La loi sur le travail ne s'applique pas aux travailleurs employés en mer, aux travailleurs agricoles, aux travailleurs domestiques et aux travailleurs occasionnels (art.3 de la loi sur le travail n° 14).
En pratique
Le Qatar a empêché un grand nombre de travailleurs migrants d’Inde, du Népal et du Bangladesh de rentrer chez eux, et ce en dépit d’une nouvelle loi approuvée en décembre 2016.
Les syndicalistes et activistes ont, toutefois, dénoncé le fait qu’un permis de sortie du gouvernement soit toujours requis pour pouvoir quitter le pays. D’après des informations émanant de la Qatar News Agency, l’agence d’information officielle de l’Etat, la Commission chargée du traitement des plaintes liées aux permis de sortie a rejeté 213 des 760 plaintes qui lui ont été soumises jusqu’au 15 février 2017, sans toutefois fournir le moindre motif valable à l’appui de ses décisions.
L’absence de changement dans la situation au Qatar s’est, une fois de plus, vue confirmée avec le cas récent d’un ouvrier migrant népalais retrouvé mort par son frère. M. Ram Sharan Mandal, 40 ans, est tombé malade et a demandé l’autorisation de quitter le Qatar pour retourner dans son pays aux fins d’y recevoir des traitements et des soins adéquats. L’autorisation lui a, cependant, été refusée et le 16 avril, M. Ram Sharan Mandal a succombé à sa maladie.
En octobre 2016, une action en justice a été intentée par un ressortissant du Bangladesh – M. Nadim Shariful, 21 ans – qui accuse la FIFA d’avoir manqué d’user de son pouvoir d’influence pour garantir les droits fondamentaux des ouvriers sur les chantiers de construction de la Coupe du monde de 2022. La procédure engagée à Zurich, lieu de naissance de la FIFA, est soutenue par le principal syndicat des travailleurs des Pays-Bas – la Fédération néerlandaise des syndicats (FNV). M. Shariful a réclamé 11.500 USD en dommages-intérêts pour la commission de 4000 USD qu’il a dû verser à un recruteur pour poser sa demande d’emploi au Qatar, où son passeport a subséquemment été confisqué et où il a travaillé 18 mois durant dans des conditions extrêmement pénibles.
Malheureusement, le cas de M. Shariful est loin d’être une exception. C’est ce qui ressort, en effet, des rapports de diverses organisations internationales, comme Amnesty International, qui dénoncent la confiscation de passeports, le non-paiement de salaires et les menaces au travail comme des pratiques courantes dans ce pays du Golfe qui se prépare à accueillir la Coupe du monde de football, et ce au détriment d’une main-d’œuvre migrante brutalement exploitée.
La situation de ces travailleurs est dans certains cas à ce point désespérée qu’ils se suicident – comme dans le cas d’un jeune ouvrier indien qui, le 29 septembre 2016, s’est donné la mort par pendaison dans le sous-sol du Centre des conventions de Doha. D’autres meurent des suites de maladies, d’épuisement ou de malnutrition.
En dépit des nombreuses promesses, le gouvernement du Qatar tarde à mettre en place des réformes destinées à améliorer les droits des travailleurs/euses migrants. En mars 2015, le Conseil d’administration de l’OIT
Organisation internationale du travail
Structure tripartite créée par les Nations Unies (ONU) en 1919 pour promouvoir de bonnes conditions de vie et de travail. Principale instance internationale chargée de développer et de contrôler les normes internationales du travail.
Voir tripartisme, Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI
a rappelé au Qatar qu’il devait réformer le système de la Kafala (parrainage) avant novembre 2015, au plus tard. Les représentants des travailleurs et des employeurs de l’OIT
Organisation internationale du travail
Structure tripartite créée par les Nations Unies (ONU) en 1919 pour promouvoir de bonnes conditions de vie et de travail. Principale instance internationale chargée de développer et de contrôler les normes internationales du travail.
Voir tripartisme, Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI
ont exhorté le Qatar à prendre des mesures immédiates pour abolir ce système, qui autorise l’extrême exploitation et l’oppression des travailleurs migrants. Ils ont également demandé l’adoption des droits du travail élémentaires, notamment le droit de se syndiquer.
Depuis que le Qatar s’est vu accorder le droit d’organiser la Coupe du monde de la FIFA en 2022, il fait l’objet d’une surveillance de plus en plus étroite compte tenu des épouvantables conditions de vie et de travail des migrants qui ont été dénoncées. Les travailleurs sont liés à leur employeur d’origine au titre du système de la Kafala et, de ce fait, ils ne peuvent pas quitter le pays sans la permission de leur employeur. Le taux de mortalité des travailleurs migrants, qui sont contraints de travailler de longues heures sous une chaleur écrasante, s’élève à une personne par jour, au moins. Malgré ces chiffres scandaleux et l’indignation internationale face aux conditions de travail assimilables à de l’esclavage, la FIFA n’a pas pris de mesures vraiment efficaces, à part quelques améliorations au niveau de l’hébergement des travailleurs migrants et du système de paiement des salaires.
Après de multiples retards, le gouvernement a annoncé en octobre 2015 que les réformes n’entreraient en vigueur que fin 2016. Cependant, il est peu probable que ces mesures améliorent la situation des travailleurs migrants. En effet, la nouvelle loi du travail ne prévoit pas l’abolition des tristement célèbres permis de sortie, et les travailleurs devront toujours obtenir la permission de leur employeur pour quitter le pays. Les travailleurs pourront faire appel au ministère de l’Intérieur en cas de problème, mais la plupart d’entre eux craignent ce ministère. Les travailleurs migrants n’ont toujours pas le droit d’adhérer à un syndicat ou de faire entendre collectivement leur voix par l’intermédiaire de comités de représentants élus sur les lieux de travail. Les travailleurs/euses domestiques restent totalement exclus de la nouvelle loi du travail.
Autour de 800 ouvriers de la construction employés par deux entreprises sous-traitantes – Qatar Freelance Trading and Contracting, et Qatar Middle East Co. – ont entamé une grève en novembre 2014 pour protester contre les manquements aux obligations des contrats de travail et contre les salaires extrêmement faibles. Les travailleurs avaient signé des contrats dans leur pays avant de se rendre au Qatar ; dès leur arrivée à Doha, leurs passeports ont été confisqués et leurs contrats déchirés. Les employeurs les ont ensuite forcés à travailler pour des salaires un tiers inférieurs aux salaires promis. Des témoins ont signalé qu’un chef d’équipe avait frappé des travailleurs avec un tuyau en plastique lorsque la police est arrivée pour procéder aux arrestations et, selon toute vraisemblance, les ouvriers arrêtés ont été placés dans le centre de détention tristement célèbre de Doha, où les travailleurs/euses migrants sont souvent mis au secret pendant de longues périodes avant de finir par être expulsés.
Aujourd’hui, les travailleurs/euses migrants constituent environ 94% de la main-d’œuvre du Qatar, soit autour de 1,2 millions de personnes. Ce chiffre continue d’augmenter, étant donné que les travailleurs sont recrutés en masse, essentiellement en Asie du Sud, pour construire les infrastructures et les stades de la Coupe du monde de 2022. Comme bon nombre d’autres travailleurs/euses migrants de la région du Golfe, ils subissent de graves politiques et pratiques discriminatoires qui vont à l’encontre de leurs droits humains et syndicaux fondamentaux, notamment le droit à la liberté syndicale. Les droits des ressortissant(e)s du Qatar sont également limités à ce niveau.
De nombreux travailleurs/euses n’ont pas le droit de créer de syndicat ou d’adhérer à un syndicat, au titre des exclusions catégorielles prévues par la loi. En pratique, 90% de la main-d’œuvre totale est exclue du droit de créer un syndicat ou d’adhérer à un syndicat.
Les procédures judiciaires sont longues, ce qui oblige les travailleurs à attendre pendant des mois sans salaire, lorsqu’ils tentent d’obtenir réparation suite à une injustice. Très peu de travailleurs migrants victimes de violations de leurs droits disposent des ressources financières nécessaires pour survivre durant cette attente, ils repartent donc chez eux sans avoir entamé de procédure.
Par ailleurs, le Qatar compte à peine 150 inspecteurs du travail et leurs inspections n’incluent pas des interviews de travailleurs. Il est difficile d’imaginer, dans ces conditions, que les autorités ont vraiment l’intention de faire respecter leur législation du travail.
Environ 132.000 travailleuses domestiques migrantes sont employées au Qatar. Elles sont encore plus vulnérables aux exploitations que les autre catégories de migrants, puisque le travail domestique est spécifiquement exclu de la législation du travail.
Les travailleurs migrants sont recrutés par le biais d’un système de parrainage, le « kafala » : ils doivent avoir un employeur local qui se porte garant, pour lequel ils doivent travailler pendant toute la durée de leur séjour et ne peuvent changer d’emploi sans l’autorisation de cet employeur. L’OIT
Organisation internationale du travail
Structure tripartite créée par les Nations Unies (ONU) en 1919 pour promouvoir de bonnes conditions de vie et de travail. Principale instance internationale chargée de développer et de contrôler les normes internationales du travail.
Voir tripartisme, Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI
a affirmé que ce système peut mener au travail forcé et à la traite des êtres humains. En 2009, les autorités avaient affirmé pouvoir octroyer aux migrants des autorisations temporaires de travailler ailleurs en cas de différend avec leur garant, mais peu de travailleurs migrants sont au courant de cette possibilité.
Très souvent, les employeurs confisquent les passeports des migrants pour s’assurer qu’ils ne quitteront pas le pays avant la fin de leur contrat, même si les termes de ce contrat sont violés. Cette pratique de détention du passeport est illégale depuis 2009 si elle dépasse la durée des démarches d’obtention des permis de séjour, mais la presse locale a rapporté en mars les résultats d’une enquête réalisée auprès des migrants provenant d’Asie : 88% d’entre eux ont affirmé avoir dû remettre leur passeport à leur employeur.
En décembre, les médias locaux ont rapporté l’intention des autorités de créer un « comité constitutif du travail » (« constituent labour committee ») qui serait une étape vers la création d’une confédération syndicale et aurait pour tâche de sauvegarder les droits des travailleurs. Ses 50 membres devraient être des représentants de travailleurs des secteurs public et privé. Rien n’indique cependant que les travailleurs auront le moindre mot à dire dans la nomination de ces « représentants » ; il semble plutôt que ce comité sera sous la coupe du gouvernement.
En mai, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a refusé de participer aux événements célébrant la liberté de la presse organisés par l’UNESCO et le gouvernement du Qatar : « Ces célébrations sont organisées dans un pays qui apporte son soutien à un centre international pour la liberté des médias mais qui refuse de permettre aux journalistes locaux de former leur propre organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. ou syndicat indépendant », a souligné la FIJ.