Congo, République démocratique du
Les organisations affiliées à la CSI en République démocratique du Congo sont la Confédération démocratique du travail (CDT), la Confédération syndicale du Congo (CSC) et l’Union nationale des travailleurs du Congo (UNTC).
La République démocratique du Congo a ratifié la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) en 2001 et la Convention n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949) en 1969.
Dans la loi
Liberté syndicale / Droit d’organisation
Liberté syndicale
Le droit à la liberté syndicale est réglementé par un Code du travail.
Le droit à la liberté syndicale est garanti par la Constitution.
Discrimination antisyndicale
La législation interdit la discrimination antisyndicale mais ne prévoit aucun moyen de protection adéquat.
Restrictions au droit des syndicats d’organiser leur gestion
- Restrictions au droit d’élire des représentants et de s’autogérer librement
- Comme condition d’éligibilité pour accéder aux fonctions de dirigeants syndicaux, le Code du travail prévoit l'obligation de résidence d'une durée de 20 ans aux travailleurs étrangers (Code du travail, article 241).
- Autorités administratives habilitées à dissoudre, à suspendre ou à annuler unilatéralement l’enregistrement d’organisations syndicales
- Le Code du travail stipule que tout syndicat peut être dissout de plein droit si l'objet en vue duquel il a été constitué est atteint ou si les deux tiers des membres réunis en assemblée générale votent la dissolution (Code du travail, article 251).
Catégories de travailleurs/euses à qui la loi interdit ou restreint la possibilité de former un syndicat ou d’y adhérer, ou d’occuper une fonction syndicale
- Autres fonctionnaires ou agents publics
- Le Code du travail exclut de son champ d’application les magistrats, les agents de carrière des services publics de l’État régis par le statut général et les agents et fonctionnaires de carrière des services publics de l’État régis par des statuts particuliers (Code du travail, article 1).
Droit de négociation collective
Droit de négociation collective
Le droit de négociation collective est reconnu par la législation.
Restrictions au principe de négociation libre et volontaire
- Exclusion de certaines questions du champ de la négociation (par exemple, salaires, horaires)
- Dans le secteur public, le gouvernement fixe les salaires par décret. Le gouvernement est obligé de consulter au préalable les syndicats, mais pas de négocier avec eux. Il peut, dès lors, ignorer leurs recommandations (arrêté ministériel n° 12/CAB.MIN/TPS/ar/NK/054 du 12 octobre 2004).
- Interdiction ou limitation de la négociation collective à un certain niveau (local, régional, territorial, national ; de l’entreprise, industriel, sectoriel ou général)
- L'ordonnance définissant le fonctionnement des commissions paritaires, prévues aux termes de l'article 284 du Code du travail relatif à la négociation collective au niveau des branches, doit encore être adoptée.
Dispositions sapant le recours aux conventions collectives et leur efficacité
- Absence de mécanismes appropriés pour encourager ou promouvoir le mécanisme de négociation collective
- La loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 relative aux conditions d'emploi des agents permanents de la fonction publique ne prévoit pas de mécanisme de négociation collective sur les conditions d'emploi.
Limitations ou interdiction de la négociation collective dans certains secteurs
- Autres fonctionnaires et agents publics
- Le Code du travail établit que le personnel des entités locales décentralisées (villes, territoires et secteurs), qui constitue une sous-catégorie de fonctionnaires, ne bénéficie pas du droit de négociation collective (Code du travail, article 1).
Droit de grève
Droit de grève
Le droit de grève est garanti par la Constitution.
Le droit de grève est réglementé par un Code du travail.
Obstacles juridiques aux actions de grève
- Recours obligatoire à l’arbitrage ou à des procédures de conciliation et de médiation longues et complexes préalablement aux actions de grève
- Aux termes du Code du travail et de la loi n° 016/2002 (portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux du travail), une des parties au conflit de travail peut unilatéralement saisir le tribunal du travail afin qu’il statue sur le différend. Cette saisine a pour effet de suspendre la grève.
Interdiction ou limitations de certains types d’actions de grève
- Restrictions en ce qui concerne le type d’action de grève (par exemple, les piquets, les grèves sauvages, les grèves du zèle, les sit-in, les grèves perlées)
- L'article 11 de l'ordonnance n° 12/CVAB.MIN/TPS/113/2005 du 26 octobre 2005, interdit aux travailleurs en grève d'entrer et de rester sur les lieux de travail touchés par la grève.
Dispositions sapant le recours aux actions de grève ou leur efficacité
- Sanctions civiles ou pénales excessives imposées aux travailleurs/euses et aux syndicats impliqués dans des actions de grève non autorisées
- Le Code du travail établit une peine de servitude pénale de maximum six mois à un individu en cas d’infraction aux conditions d’exercice du droit de grève (Code du travail, article 326).
- Autres dispositions légales sapant le droit de grève
- L'arrêté n° 12/CVAB.MIN/TPS/113/2005 du 26 octobre 2005 interdit aux travailleurs en grève de pénétrer et de rester dans les locaux de travail affectés par le mouvement.
Limitations ou interdiction de grèves dans certains secteurs
- Restrictions injustifiées en ce qui concerne les fonctionnaires
- En vertu de l'article 93 de la loi No. 16/013, l'exercice du droit de grève par les employés du service public ne peut être limité que dans les conditions établies par la loi, notamment pour assurer la fourniture normale de "services publics d'intérêt vital, qui ne peuvent subir aucune interruption". Un décret du Premier ministre établit la liste des services d'intérêt vital, ainsi que les détails du service minimum dans ces services. Ce décret n'a pas encore été publié.
En pratique
Depuis 2011, la compagnie Somika Mining s’oppose à l’organisation des élections syndicales dans l’entreprise, bafouant ouvertement la liberté syndicale. Par ailleurs, les syndicats sectoriels des mines dénoncent l’ingérence des autorités locales dans le gouvernorat de Lwalaba qui ont tenté d’empêcher l’organisation d’élections syndicales au sein de la compagnie Tenke Fungurume Mining au LWALABA pour la période 2018-2021.
Environ quatre-vingts journalistes de Télé 50, une chaîne de télévision privée émettant à partir de Kinshasa, ont été interpellés par la police et conduits au Parquet général de Kinshasa. Selon Eric Lukoki, membre du comité syndical provisoire de Télé 50, les journalistes manifestaient contre le refus du directeur général de mettre en place un syndicat au sein de l’entreprise Télé 50. Les journalistes ont été relâchés dans la soirée.
D’après la CSC, certaines entreprises, telles que les Lignes maritimes congolaises (LMC), la brasserie Bracongo et la radio-télévision nationale congolaise, favorisent certains syndicats, tandis que le ministère du Travail préfère écarter la CSC, syndicat majoritaire au niveau national, et négocier avec un syndicat minoritaire.
La Confédération syndicale du Congo (CSC) fait état de cas de discrimination à l’encontre de ses membres, notamment Cicéron Pongo Mapondji, délégué syndical au Fonds de promotion culturelle et qui a été licencié en raison de son appartenance à la Confédération, tandis que dans dans certaines entreprises, comme la société Pacific Trading et la radio-télévision nationale congolaise, les travailleurs ont été poussés à renoncer à leur affiliation à la CSC.
Jean-Bosco Puna, secrétaire général du Syndicat des écoles conventionnées catholiques (SYNECAT) et secrétaire permanent de la Société Civile, a été arrêté le 18 septembre 2017 au siège du SYNECAT à Kinshasa par cinq éléments supposés être de l’Agence nationale de renseignements (ANR) et de la police en tenue civile. Bien que le syndicat ait déploré le mouvement de panique qui a eu lieu quelques jours après sa déclaration de radicalisation de grève lors d’une Assemblée générale, Jean-Bosco Puna a été accusé d’avoir tenu des propos incitant à la violence. D’après Christopher Ngoy Mutamba, président de la Société civile de la RDC, cette arrestation servirait à faire pression sur le syndicat après l’intensification de la grève des enseignants, trois semaines après la rentrée scolaire. Jean-Bosco Puna, libéré deux jours après, a dénoncé les mauvaises conditions de détention dont il a été victime.
Au retour d’une mission, le chauffeur de Guy Mpembele, secrétaire exécutif en charge des relations extérieures à l’Union nationale des travailleurs du Congo (UNTC) et de la mise en œuvre du projet Kananga sur l’encadrement des femmes travailleuses de l’économie informelle, a été enlevé le 14 juin 2017. Il a été retrouvé le jour suivant blessé et inconscient. Convoqué le jour suivant par la police, Guy Mpembele aurait passé trois journées entières de 8 à 22 heures au bureau de la police sans être interrogé. La sécurité des activistes d’associations reste préoccupante en République démocratique du Congo.
Le 10 avril, Jean-Pierre Muteba, président de la Nouvelle dynamique syndicale, l’un des principaux syndicats du Katanga, et ancien président de la société civile du Katanga, a été brutalement arrêté dans la rue à Lubumbashi pour « rébellion » et « outrage à officier de police » alors qu’il se rendait seul au domicile d’un opposant du gouvernement. Le jour même, une manifestation du Rassemblement de l’opposition pour exiger l’application de l’accord du 31 décembre 2016 était prévue, bien que les autorités aient interdit tout rassemblement public à caractère politique. Transféré deux jours après à la prison de la Kasapa, il a été libéré provisoirement le 14 avril après quatre jours de détention sur paiement d’une caution de 65 000 francs congolais.
Bien que, d’après le système déclaratif du droit congolais, une autorisation ne soit pas nécessaire pour une manifestation, de nombreuses manifestations organisées par l’opposition politique ont été décrétées non autorisées. En revanche, celles organisées par la majorité présidentielle se sont généralement déroulées sans problème.
Dans le cadre des projets de privatisation de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), des responsables syndicaux ont été écartés des tractations en cours et ont fait l’objet de menaces et de manoeuvres d’intimidation. Leur seul tort a été de vouloir représenter les droits des travailleurs remis en question dans ce processus de privatisation. Le 11 novembre, à l’appel de l’intersyndicale Solidarité syndicale des travailleurs et cadres du Congo (SCTP-SA), les travailleurs ont arrêté le travail. Depuis quelque temps, la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) suivait ce dossier. Le 6 novembre, son secrétaire général, Steve Cotton, a écrit au président Joseph Kabila en lui demandant d’intervenir et de convaincre la direction d’accepter le principe d’un dialogue constructif avec les syndicats. En fin de compte, c’est ce qu’il advint. Au bout de quelques heures de grève, un accord fut conclu entre l’État et la SCTP-SA.
La police nationale a violemment dispersé une assemblée générale organisée par les syndicats du secteur public le 26 novembre 2014. L’Intersyndicale nationale du secteur public et les Syndicats indépendants de l’administration publique avaient invité leurs membres à participer à une assemblée générale qui devait se tenir sur la place Golgotha, au niveau du ministère de la Fonction publique, pour débattre de plusieurs questions, notamment le refus du gouvernement d’augmenter le salaire des fonctionnaires, la retenue illicite des frais bancaires et les primes spécifiques. Les deux organisations avaient informé le ministère de la Fonction publique, le ministère de l’Intérieur et le gouverneur de Kinshasa de leur intention de tenir la réunion par lettres des 17 et 26 novembre.
Alors que la réunion était sur le point de débuter, la police nationale est arrivée et a brutalement dispersé les participants sur les ordres du ministre de la Fonction publique, Jean Claude Kibala. Elle a également arrêté deux dirigeants syndicaux : Jean-Bosco Puna Nsasa, secrétaire général du Syndicat national des enseignants catholiques (SYNECAT), et Sylvain Kabuya Mwamba, membre de l’Union des travailleurs. Le premier a été libéré le lendemain, alors que le second est resté en détention.
Douze délégués syndicaux représentant les travailleurs de la Société congolaise de poste et télécommunications ont été licenciés sans préavis le 2 mai 2014. Leur licenciement a provoqué un tollé parmi les autres travailleurs du secteur de la poste dans toute l’Afrique, qui ont organisé une campagne pour réclamer leur libération, menée par UNI Global Union. Les 12 travailleurs ont été réintégrés le 19 juin.
La Confédération démocratique du travail (CDT) affirme que le Conseil national du travail ne consulte pas les syndicats quant à l’ordre du jour des réunions, ce qui réduit leur capacité de participer pleinement et limite l’influence qu’ils pourraient exercer dans les questions socioéconomiques. En outre, la discrimination antisyndicale est un problème généralisé, en particulier dans les entreprises à capital étranger. La direction s’est ingérée dans les élections en vue de faire en sorte que son candidat préféré soit élu. L’entreprise Khalico rejette les demandes du syndicat d’entamer une négociation collective. Au contraire, la direction négocie individuellement avec les travailleurs, ce qui porte atteinte aux efforts du syndicat. L’entreprise minière Tenke Fungurume n’a pas hésité à remplacer les travailleurs qui s’étaient mis en grève par des travailleurs temporaires, dans le but d’intimider ses salariés et de briser la grève.
L’Union nationale des travailleurs du Congo a informé que, même si les employeurs acceptent de négocier, ils font pression sur les syndicats pour remplacer des agents de négociation et menacent de suspendre les négociations à moins que le syndicat ne réponde à leur demande.
En juillet 2012, cinq délégués syndicaux qui avaient été licenciés de la Société nationale d’assurance ont été réintégrés. La direction avait refusé catégoriquement de négocier avec les travailleurs/euses.
En mars 2013, Jean Ngandu, secrétaire provincial adjoint de la Confédération démocratique du travail, a été licencié en raison de ses activités syndicales.
L’Union nationale des travailleurs du Congo a indiqué que les autorités publiques restent sans réagir face à la discrimination antisyndicale.
En encourageant la création de centaines de syndicats depuis plusieurs années, les autorités ont considérablement et volontairement affaibli le mouvement syndical. Il y aurait près de 500 syndicats officiellement reconnus au Congo, une situation dénoncée par les organisations les plus représentatives pour qui le pays est probablement le pire exemple de prolifération syndicale en Afrique. Sous couvert de pluralisme politique, l’adage « diviser pour régner » a été le leitmotiv des autorités. La création de syndicats « jaunes » et d’organisations fictives a été encouragée par les employeurs et l’État. Un rapport de l’OIT de 2010 a confirmé cette évolution anarchique jugée catastrophique pour le mouvement syndical. Cette tendance a été motivée par des intérêts personnels, des ambitions politiques ou une mauvaise information sur les valeurs et les objectifs réels du pluralisme syndical. Dans la majorité des cas, ces organisations se distingueraient par la corruption ambiante et la violation à grande échelle des droits des travailleurs.
L’Etat en tant qu’employeur a souvent refusé de négocier avec les syndicats. L’Intersyndicale du secteur public a notamment dénoncé les manœuvres du ministre de la Fonction publique visant à bloquer des réformes. L’État n’a pas tenu compte des résolutions du Cadre permanent du dialogue social, une structure mise en place en 2008. Les plaintes et les recours des syndicats ont été vains. Par exemple, en septembre, la Centrale congolaise du travail a dû déposer une plainte contre le gouvernement auprès de l’OIT parce qu’une ingérence grave du directeur des Douanes congolaises datant de 2005 (le licenciement de militants syndicaux et la désignation de nouveaux délégués du personnel) n’avait donné lieu à aucune audition de ce directeur pourtant mis en cause à l’époque.
Le personnel des entités décentralisées (villes, territoires et secteurs) n’est pas syndiqué et ne bénéficie pas du droit de négocier ou de créer un syndicat. Placés en bas de l’échelle sociale de l’Administration de l’État, ces travailleurs constituent une sous-catégorie de fonctionnaires.
L’absence de véritables syndicats est la règle dans le secteur privé. La plupart des syndicats n’ont pas de membres actifs et ont plutôt été créés par les employeurs pour tromper les travailleurs et décourager toute initiative d’organisation, notamment dans l’exploitation des ressources naturelles. Des associations de droits de l’homme ont rapporté de multiples cas de violation du Code du travail dans des entreprises où le syndicalisme ne peut se développer, comme à la China Railway Engineering Corporation (CREC) qui, dans le cadre de l’accord bilatéral entre la Chine et Congo, s’occupe de la réhabilitation ou de la construction d’axes de communication. L’Association africaine pour la défense des droits de l’homme (ASADHO) a mis en exergue l’impuissance et la peur des inspecteurs du travail qui n’osent pas agir contre cet investisseur qui bénéficierait des faveurs des autorités. La Société générale industrielle (SGI) implantée à Kasangulu a également été montrée du doigt en raison des conditions de travail déplorables qui y règnent. Le 29 septembre, Golden Misabiko le président de la section katangaise d’ASADHO a été condamné à un an de prison avec sursis pour avoir dénoncé les abus de pouvoir et les négligences des autorités locales dans les mines d’uranium exploitées de façon industrielle et artisanale.