Niger

Dans la loi
Liberté syndicale / Droit d’organisation
Liberté syndicale
Le droit à la liberté syndicale est réglementé par un Code du travail.
Discrimination antisyndicale
La législation ne protège pas explicitement les travailleurs/euses de la discrimination antisyndicale.
Restrictions au droit des syndicats d’organiser leur gestion
- Restrictions au droit d’élire des représentants et de s’autogérer librement
- En vertu de l'article 190 du code du travail, les membres responsables de l'administration ou de la direction d'un syndicat doivent, entre autres, être en possession de leurs droits civiques, ce qui exclut les personnes condamnées pour des crimes ou des délits, les personnes qui n'ont pas respecté une citation à comparaître devant un tribunal et les personnes privées de capacité juridique.
Catégories de travailleurs/euses à qui la loi interdit ou restreint la possibilité de former un syndicat ou d’y adhérer, ou d’occuper une fonction syndicale
- Autres catégories
- L'article 191 du code du travail prévoit que les travailleurs âgés de plus de 16 ans mais n'ayant pas atteint l'âge de la majorité peuvent s'affilier à des syndicats. Cette disposition exclut les travailleurs âgés de 14 ans (l'âge d'admission à l'emploi selon l'article 106 du code) à 16 ans de l'adhésion ou de la création de syndicats.
- Autres fonctionnaires ou agents publics
- Il n'existe pas de disposition légale permettant aux catégories de travailleurs suivantes d'adhérer à des syndicats et de s'y affilier : les juges, les maîtres de conférences des universités et institutions similaires, le personnel des administrations, services et établissements publics de l'État à caractère industriel ou commercial, le personnel des douanes, des services des eaux et forêts, et le personnel de l'École nationale d'administration et de formation des services juridiques, des collectivités locales et de l'administration parlementaire. Cependant, dans la pratique, certaines de ces catégories ont créé des syndicats (Syndicat autonome des magistrats du Niger (SAMAN), Syndicat national des enseignants-chercheurs du supérieur (SNECS), Syndicat national des agents des douanes (SNAD) et Syndicat des enseignants et permanents de l’Ecole nationale d’administration (SEENA)).
Droit de négociation collective
Droit de négociation collective
Le droit de négociation collective est reconnu par la législation.
Obstacles juridiques à la reconnaissance des agents de la négociation collective
- Absence de critères ou critères discrétionnaires, incertains ou déraisonnables pour déterminer les organisations représentatives
- Les critères appliqués pour déterminer la représentativité ne sont pas clairs. En vertu de l'article 185 du code du travail, la représentativité des syndicats de travailleurs est déterminée par les résultats des élections professionnelles, le classement résultant de ces élections est annoncé par arrêté du ministre chargé du travail, qui détermine les modalités de ces élections, après consultation des organisations de travailleurs, et pour déterminer la représentativité des syndicats d'entreprise, les résultats des élections des délégués du personnel sont pris en compte.
Limitations ou interdiction de la négociation collective dans certains secteurs
- Autres fonctionnaires et agents publics
- Il n'existe pas de dispositions légales spécifiques garantissant le droit à la négociation collective aux fonctionnaires.
Droit de grève
Droit de grève
Le droit de grève est réglementé par un Code du travail.
Obstacles juridiques aux actions de grève
- Recours obligatoire à l’arbitrage
arbitrage
Mécanisme de résolution extrajudiciaire des litiges impliquant l’intervention d’un tiers neutre, qui peut être soit un arbitre unique, soit une commission d’arbitrage. Dans le cadre d’un arbitrage non contraignant, les parties en désaccord sont libres de rejeter la recommandation émise par le tiers. Si elles se soumettent à un arbitrage contraignant, elles sont alors liées par sa décision. On parlera d’arbitrage obligatoire lorsqu’il s’agit d’une procédure prescrite par la loi ou relevant d’une décision des autorités, à laquelle les parties ne se soumettent pas volontairement.
Voir conciliation, médiation
ou à des procédures de conciliation conciliation Tentative par un tiers neutre ou un conciliateur de favoriser la résolution d’un conflit du travail par la discussion, des conseils ou une reformulation des problèmes afin d’amener les parties en conflit à aplanir leurs divergences. Le conciliateur ne joue pas un rôle aussi actif qu’un médiateur ou un arbitre.
Voir arbitrage, médiation et de médiation médiation Procédure de médiation à mi-chemin entre la conciliation et l’arbitrage, où une tierce partie neutre aide les parties en conflit à résoudre un conflit social en leur suggérant des solutions non contraignantes.
Voir arbitrage, conciliation longues et complexes préalablement aux actions de grève grève Forme d’action collective la plus répandue, la grève désigne un arrêt de travail concerté sur une période limitée et peut revêtir de nombreuses formes.
Voir grève générale, grève intermittente, grève tournante, grève d’occupation, grève de solidarité, grève sauvage - En vertu des articles 326, 327 et 328 du code du travail, en cas de désaccord à l'issue de la phase de conciliation d'un conflit collectif de travail, si les travailleurs ont l'intention de poursuivre le conflit, ils sont tenus de notifier à l'employeur toute action de grève et d'en informer l'inspecteur du travail. En l'absence d'une procédure d'arbitrage convenue, le ministre du travail peut décider de soumettre le conflit à une commission d'arbitrage créée à cet effet et composée de membres nommés par le ministre. L'article 331 prévoit également que si aucune partie n'a exprimé d'opposition dans les deux jours suivant la notification de la sentence arbitrale, celle-ci est exécutée.
Limitations ou interdiction de grèves dans certains secteurs
- Restrictions injustifiées en ce qui concerne les fonctionnaires
- L'article 9 de l'ordonnance n° 96-009 du 21 mars 1996 réglementant l'exercice du droit de grève des agents de l'État et des collectivités locales empêche les fonctionnaires de faire grève.
En pratique
Dans le contentieux qui oppose des délégués syndicaux et la société chinoise CNPC, le Conseil d’État a annulé dans un arrêt le 11 juillet 2018 leur licenciement. Pourtant, la CNPC refuse catégoriquement de réintégrer ces délégués. Le 24 août 2018, dans une lettre adressée au secrétaire général du SATRAP (syndicat des travailleurs du pétrole), le directeur général de la société chinoise a même indiqué : « Nous vous rappelons que les délégués ont été congédiés suivant les lettres du 14 décembre 2016 notifiées aux 15 délégués. Cette décision est définitive et la CNPC ne la mettra pas en cause ».
Trente-cinq personnes ont été blessées, dont quatre grièvement, le 18 avril à l’université de Niamey lors d’affrontements entre les étudiants et les forces de l’ordre. Selon le syndicat de l’Union des étudiants nigériens à l’université de Niamey (Uenun), plusieurs étudiants ont également été arrêtés. Les étudiants réclamaient la réhabilitation de leurs cinq camarades qui avaient été exclus en mars dernier, le paiement de leurs bourses et le respect des franchises universitaires. C’est une décision du rectorat qui a autorisé les forces de l’ordre à assurer la sécurité sur le campus.
Le 25 mars, 24 manifestants et leaders de la société civile ont été arrêtés suite à des heurts à Niamey avec les forces de l’ordre. La manifestation contre la loi de finances 2018 jugée antisociale par la société civile avait été interdite par les autorités pour des raisons de sécurité. Comparus le 11 juillet pour « organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. et participation à une marche interdite » et « complicité de dégradations de biens publics et privés », les principaux acteurs de la société civile, Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et Me Abourahamane Lirwana, ont été condamnés le 24 juillet à trois mois de prison assortis de sursis. Depuis octobre 2017, un collectif de la société civile, l’opposition politique et quelques syndicats ont régulièrement organisé des manifestations pour demander l’abrogation de cette loi. La CNT indique également que plusieurs de ces manifestations ont été interdites par les autorités.
Baba Alpha, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’information et de la communication (SYNATIC) et journaliste de la chaîne privée Bonferey, a été mis en garde à vue le 30 mars et inculpé le 3 avril, accusé de faux et usage de faux pour obtenir la nationalité nigérienne en 2011. Dans un communiqué de presse, son syndicat a rappelé que le syndicaliste né au Niger de parents maliens a effectué tout son cursus scolaire et professionnel au Niger. Son père, âgé de 70 ans, a également été arrêté, accusé de complicité. Le 18 juillet, Baba Alpha et son père ont été condamnés à deux ans de prison, à une amende respective de 300 000 francs CFA, à dix ans de privation de tout droit civique et politique et ont été interdits de tout emploi public. Baba Alpha, qui a rejeté toutes les accusations, est surtout connu pour ses prises de position très critiques à l’égard du gouvernement. La suspension de ses droits civiques et politiques apparaît donc comme un moyen de l’exclure de tout discours public.
Selon les syndicats CAUSE-Niger et SYNACEB, le boycott de l’évaluation du niveau des enseignants en situation de classe, prévue par le ministre de l’Enseignement primaire, de l’Alphabétisation, de la Promotion des langues nationales et de l’Éducation civique (MEP/A/PLN/EC) les 15 et 16 juillet, a résulté en au moins 50 arrestations pour attroupements non armés ainsi qu’en plusieurs blessés dont trois graves et plusieurs femmes enceintes traumatisées. Bien que le Conseil d’État ait jugé irrecevable la requête aux fins d’annulation des tests déposée par la synergie CAUSE-Niger/SYNACEB, les syndicats avaient appelé au boycott de l’évaluation. Plusieurs dizaines d’enseignants qui avaient refusé de participer à cette évaluation ont par la suite vu leur contrat résilié par décision du ministère de Tutelle.
Le 10 avril, une manifestation d’étudiants à Niamey a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. Le bilan faisait état d’au moins 313 personnes interpellées dont 57 libérées, 109 blessées dont 88 manifestants et 21 policiers. De plus, selon le syndicat Union des scolaires nigériens (USN), Mala Bagalé Kelloumi, étudiant en 3e année de sociologie, est mort après avoir été atteint dans la nuque par une grenade lacrymogène. Selon le gouvernement, cette mort n’a aucun lien avec les forces de l’ordre mais serait liée à une chute. Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances de sa mort. L’Union des scolaires nigériens (USN) a dénoncé la brutalité inouïe exercée par les forces de l’ordre contre les élèves et étudiants qui manifestaient contre le retard de paiement des allocations, des aides sociales et des frais de scolarité. Le véhicule où se trouvaient les responsables de l’USN a même été pris en chasse par les forces de l’ordre, leur voiture a été renversée et il y a eu plusieurs blessés. Selon Soumana Sambo Housseini, secrétaire général de l’USN, il ne s’agirait pas là de bavures policières, mais d’une volonté délibérée de s’en prendre aux leaders d’opinion.
Le 17 mars, Seyni Harouna, 1er secrétaire général adjoint du Syndicat national des agents contractuels et fonctionnaires de l’éducation de base (SYNACEB), a été interpellé puis mis en garde à vue. Accusé d’usurpation de titre, il a été relaxé quelques jours après, le 21 mars, après avoir été entendu par un juge. Seyni Harouna avait représenté son syndicat lors des négociations d’un accord conclu le 13 décembre 2016 entre les syndicats du secteur de l’éducation et le Comité interministériel présidé par le ministre de l’Intérieur. La semaine précédant son arrestation, les principaux regroupements de syndicats enseignants, la CAUSE-Niger et le SYNACEB, avaient organisé une grève de cinq jours, accusant le gouvernement de ne pas respecter ses engagements. Face à la grève et aux revendications syndicalistes, le ministre de l’Intérieur, Bazoum Mohamed, aurait menacé les syndicats et leurs responsables.