Suisse

En Suisse, l’organisation affiliée est l’Union syndicale suisse (USS).
La Suisse a ratifié la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) en 1975 et la Convention n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949) en 1999.
Dans la loi
Liberté syndicale / Droit d’organisation
Liberté syndicale
Le droit à la liberté syndicale est garanti par la Constitution.
Discrimination antisyndicale
La législation interdit la discrimination antisyndicale mais ne prévoit aucun moyen de protection adéquat.
Droit de négociation collective
Droit de négociation collective
Le droit de négociation collective est garanti par la Constitution.
Le droit de négociation collective est reconnu par la législation.
Droit de grève
Droit de grève
Le droit de grève est garanti par la Constitution.
Interdiction ou limitations de certains types d’actions de grève
- Restrictions en ce qui concerne l’objectif d’une grève (par exemple, différends du travail, questions économiques et sociales, raisons politiques, de sympathie et de solidarité)
- La grève est un droit constitutionnel, pour autant qu’elle se rapporte aux relations de travail.
Dispositions sapant le recours aux actions de grève ou leur efficacité
- Sanctions civiles ou pénales excessives imposées aux travailleurs/euses et aux syndicats impliqués dans des actions de grève non autorisées
- Si une grève est déclarée illicite, l'employeur a le droit de résilier immédiatement le contrat de travail de tout(e) travailleur/euse y ayant participé. Il peut, en outre, faire valoir une indemnisation d'un quart du salaire mensuel et, le cas échéant, la réparation du dommage supplémentaire. Des sanctions pénales peuvent également être imposées. Les syndicats peuvent en outre faire l’objet d'une poursuite pénale.
Limitations ou interdiction de grèves dans certains secteurs
- Restrictions injustifiées en ce qui concerne les fonctionnaires
- Le personnel de la Confédération est exclu du droit de grève.
- Absence de garanties compensatoires pour les catégories de travailleurs/euses privé(e)s du droit de grève
- Le gouvernement peut restreindre ou interdire les grèves si elles portent atteinte à la sécurité de l’État, aux relations extérieures ou à la prestation de biens et services essentiels. Toutefois, aucun mécanisme de compensation, tel que des procédures de conciliation et d’arbitrage pour résoudre les différends du travail dans ces situations, n’est établi.
- Autres limitations (par exemple, dans les ZFE)
- Le demi-canton de Nidwald et le canton de Fribourg ont introduit l’interdiction du droit de grève dans la loi qui s’applique à leur personnel. Certaines communes fribourgeoises ont repris ces dispositions cantonales dans leur réglementation
En pratique
Avenir syndical a été créé récemment, au printemps 2020. La Direction des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) refuse le statut de partenaire social à Avenir syndical, appuyée par une décision de la chambre administrative de la cour de justice en date du 28 septembre 2021, au motif que cette association ne remplit pas les conditions nécessaires à sa reconnaissance.
Les membres du syndicat ont remis un appel signé le 15 septembre 2021 au gouvernement genevois demandant « de faire respecter la liberté syndicale aux HUG, en garantissant que le personnel puisse se faire assister du syndicat de son choix, ainsi que le prévoient la Constitution suisse et la Constitution genevoise, et ceci tant pour la défense individuelle que la défense collective des salariés ».
Kathrin Schmid, syndicaliste et membre de la commission du personnel du centre pour personnes âgées Lindenmatte à Erlenbach, a été licenciée en raison de son engagement syndical dans l’amélioration de la situation des travailleurs (novembre 2014).
L’imprimeur Hans Oppliger, militant syndical à l’entreprise Edipresse et membre de la fondation de la caisse de pension, a été licencié en raison de son rôle dans la restructuration d’une imprimerie. Il a été licencié dans le but de faire taire une voix syndicaliste se battant au sein du conseil de fondation de la caisse de pension contre une baisse du taux de conversion favorable à l’employeur (procès en attente de jugement en novembre 2014).
Deux journalistes (Jean Godel et André Hugi) ont été licenciés abusivement par Radio Fribourg après avoir contesté la nouvelle structure de direction formée par le conseil d’administration de la Radio (arrêt définitif rendu le 7 juillet 2014).
Dans le canton du Tessin, l’entreprise Maurino SA, qui produit et excave du marbre, a licencié trois travailleurs qui s’étaient engagés dans un grève légitime le 16 juin 2014, suite à leur dénonciation avec succès des irrégularités dans les conditions légales de travail (juin 2014).
Les 22 licenciés grévistes de l’hôpital neuchâtelois La Providence attendent encore depuis 2013 la décision sur la nature illicite de leur renvoi.
En outre, l’entreprise Genolier Swiss Medical Network, le deuxième groupe de cliniques privées en Suisse, a porté plainte contre les grévistes devant le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers de Neuchâtel sous le prétexte que des tracts syndicaux distribués par les grévistes étaient diffamatoires et pour violations de domicile. Les grévistes attendent toujours leur convocation devant le tribunal (décembre 2014).
Suite à une grève légitime, Gate Gourmet SA, entreprise de l’aéroport de Genève, a essayé d’intimider les grévistes et membres syndicaux en portant plainte contre des employés et des syndicalistes (02.06.2014). SR Technics SA, entreprise de l’aéroport de Genève, a tenté de faire cesser une grève licite en menaçant de licencier tout son personnel de 79 employés (mars 2014).
Le Code des obligations (CO) (droit du travail suisse) ne protège pas de manière efficace les travailleurs, syndicalistes, membres des commissions du personnel des licenciements abusifs. L’article 336a al. 2 du CO prévoit que l’indemnité lors d’un licenciement abusif antisyndical avéré est fixée par le juge mais celle-ci ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur. Cette solution légale n’a pas de prise effective sur les entreprises. Certains patrons et tribunaux n’accordent pas le droit d’accès et d’information aux syndicats dans les entreprises. La loi n’a pas de mécanique précise ni de concrétisation pour faire respecter l’article 28 de la Constitution fédérale (liberté syndicale) et la Convention n° 87 de l’OIT.
La législation suisse ne prévoit pas de réintégration en cas de licenciement discriminatoire de syndicalistes et le seul recours légal prévu est l’indemnisation. En cas de renvoi injuste et discriminatoire, la loi suisse prévoit jusqu’à six mois de salaire d’indemnisation, même si la moyenne varie d’un à trois mois. En fin de compte, l’indemnisation due conformément à la loi suisse est si faible que les entreprises estiment souvent qu’elle vaut la peine d’être payée pour se débarrasser d’individus gênants et n’a donc aucun effet dissuasif sur les licenciements discriminatoires. C’est la raison pour laquelle l’Union syndicale suisse s’est plainte auprès du gouvernement et lui a demandé de modifier la loi. En janvier 2011, en réponse à la requête syndicale, le gouvernement suisse a rédigé un projet de loi en vue d’une révision partielle du Code des obligations, augmentant de six à douze mois l’amende maximale en cas de fin de contrat antisyndicale. Toutefois, en réaction à des attaques de la part d’employeurs, le gouvernement a suspendu le projet de loi et les travailleurs suisses sont coincés depuis plus de dix ans dans cette situation d’absence de protection contre des renvois antisyndicaux.
Depuis 1997, les relations de travail de l’entreprise de restauration Gate Gourmet, à l’aéroport de Genève, sont régies par une convention collective. Toutefois, en dépit des bénéfices en augmentation, l’entreprise a proposé des réductions de salaire et des indemnités lors des négociations collectives de 2013. Le syndicat suisse des services publics, SSP, a suggéré de lancer une procédure d’arbitrage pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvaient les négociations. Mais Gate Gourmet a décidé de ne pas passer par le syndicat et de négocier individuellement avec les travailleurs/euses, menaçant ainsi le processus de négociation collective. Suite au refus de 86 employé(e)s de signer le contrat proposé, la société a décidé d’envoyer un préavis de licenciement aux travailleurs/euses pour leur faire part de la possibilité de les réembaucher, mais à des conditions plus défavorables. Un appel à la grève a été lancé le 14 septembre 2013, qui a été suivi par 20 employé(e)s. Le 2 octobre, six grévistes (dont trois représentants syndicaux) ont été licenciés avec effet immédiat pour avoir participé à une grève organisée le 28 septembre par le comité de soutien au bureau de Gate Gourmet.
La direction de Spar à Dättwil n’a débuté des négociations avec le personnel qu’après une grève de sept jours. Toutefois, elle a immédiatement quitté la table des négociations sans aucune justification et a cessé de répondre aux demandes du syndicat UNIA. Le syndicat a de nouveau organisé une grève pour dénoncer le refus de négocier, ce qui a abouti au renvoi de onze travailleuses et travailleurs ayant participé au mouvement.
Le 19 mars 2013, le tribunal fédéral suisse a décidé que le renvoi de Daniel Suter (président de la Commission du personnel du journal Tages-Anzeiger) en 2009 n’était pas illégal même s’il avait eu lieu juste avant la tenue d’importantes négociations à propos d’un plan social. Son rôle critique au sein de la Commission du personnel au moment de l’élaboration de ce plan social aurait été à l’origine de son renvoi.
Conformément à la politique en matière de santé publique à Neuchâtel, un hôpital ne peut recevoir de subventions que s’il adhère à la convention collective sectorielle « Santé 21 ». Pourtant, le groupe Genolier Swiss Medical Network (GSMN), qui a acquis l’hôpital « La Providence », y a renoncé et a fait savoir qu’il diminuerait les conditions de travail et les rémunérations, ce qui n’empêche pas l’entreprise de réclamer des subventions de l’État. Lorsque les salariés ont fait grève pour dénoncer ces modifications, 22 d’entre eux ont été renvoyés. Le Syndicat des Services publics (SSP) a présenté l’affaire au Comité de la liberté syndicale de l’OIT.
Le projet de réforme visant à améliorer la protection contre le licenciement abusif a été rejeté par les organisations patronales. Le gouvernement fédéral n’a pas encore décidé s’il le présenterait au Parlement. Trop peu dissuasive, la réglementation en vigueur a permis aux employeurs de continuer à bafouer les droits des travailleurs.
Ainsi, le 1er mars, la justice a donné définitivement raison à une employée de la société Composants Techniques Horlogers (CTH) congédiée en 2008 pour avoir participé à des réunions syndicales. Le caractère antisyndical de ce licenciement a été confirmé, de même que le harcèlement dont elle a été la victime, comme en atteste cet extrait du jugement : « Le supérieur hiérarchique a reproché à la collaboratrice de ne pas être venue travailler le samedi précédent en criant, en l’invectivant et en tapant du poing sur la table. Par ailleurs, il l’a immédiatement transférée dans un local plus petit et dépourvu de fenêtres, dans lequel elle était chargée de contrôler et de nettoyer des verres de montres déjà emboîtées (...). Ce travail supposait l’emploi de produits toxiques (alcool isopropylique, acétone et F45) qui, en raison de l’absence d’une installation d’aération ou de ventilation spécifique, ont causé des maux de tête et des nausées à la collaboratrice. Jusque-là, personne n’avait jamais été affecté à plein temps à ce travail. La victime n’a eu droit qu’à une indemnité de six mois de salaire, sans commune mesure avec la gravité des faits. Elle montre la nécessité de prévoir, comme l’a demandé l’OIT, la réintégration des travailleurs licenciés abusivement ».
L’absence de protections légales suffisamment efficaces contre le licenciement abusif a continué à être exploitée par de nombreux employeurs pour se débarrasser de délégués du personnel considérés comme trop gênants. L’Union syndicale suisse (USS) a admis que le gouvernement allait dans la bonne direction en proposant un durcissement des sanctions tout en soulignant qu’une législation qui veut protéger efficacement les travailleurs/euses appelés à représenter le personnel doit aussi permettre la réintégration des personnes abusivement licenciées.
La confédération Union syndicale suisse (USS) signale une série d’incidents dans lesquels des licenciements ont pris pour cible les représentants syndicaux. Les exemples incluent Ernst Gabathuler, qui travaillait depuis 40 ans chez le fabricant de machines textiles Karl Mayer AG (Benninger Guss AG avant le rachat) et représentant syndical depuis des années ; deux présidents et quatre membres de commissions du personnel des journaux « Tagsanzeiger » et « Bund », suite à la restructuration de ces organes de presse ; et Giuliano Ossola, un dirigeant syndical qui travaillait depuis plus de 40 ans chez AGIE S.A. à Losone. Un autre militant qui travaillait dans une société chimique en Suisse romande a perdu son emploi après avoir signalé plusieurs violations de la convention collective. La société, qui avait déjà licencié deux autres membres de la commission d’entreprise, a déclaré que ces travailleurs n’avaient été licenciés que pour des raisons économiques. Un autre dirigeant syndical a reçu des avertissements officiels après avoir informé ses collègues que des licenciements étaient prévus.
Même si le lien avec les activités syndicales n’est pas toujours suffisamment évident pour prouver qu’il s’agissait d’un licenciement antisyndical, les représentants syndicaux qui n’ont pas peur de s’exprimer sont particulièrement vulnérables dès lors qu’une entreprise doit réduire son personnel et la loi ne leur accorde aucune protection spéciale.
Le demi-canton d’Obwald essaie d’attirer les entreprises en faisant la promotion de sa « législation du travail favorable aux employeurs » dans la presse et dans son site web officiel. La facilité de procéder à des licenciements et la prédominance des contrats de travail individuels au détriment d’accords collectifs sont particulièrement mis en exergue.