Éthiopie

En novembre 2020, le gouvernement éthiopien a lancé des opérations militaires dans le Tigré contre le parti au pouvoir dans la région, le Front populaire de libération du Tigré (TPLF). Au cours des combats, les forces éthiopiennes et alliées de la région d’Amhara, ainsi que les forces gouvernementales de l’Érythrée voisine, ont commis de graves abus, notamment des massacres, des détentions arbitraires, des violences sexuelles généralisées et des déplacements forcés de personnes d’ethnie tigréenne. Depuis juillet, le gouvernement a imposé un siège effectif au Tigré et a détenu illégalement des milliers de Tigréens dans tout le pays.
Les forces tigréennes ont également commis des crimes de guerre, notamment des exécutions sommaires, des viols et des pillages de civils dans la région d’Amhara et de réfugiés érythréens dans le Tigré.
Entre mai et août 2021, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a mené des enquêtes sur les nombreux abus et violations flagrants des droits de l’homme.
L’organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. affiliée à la CSI en Éthiopie est la Confederation of Ethiopian Trade Unions (CETU).
L’Éthiopie a ratifié la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) en 1963 et la Convention n° 98 sur le droit d’organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. et de négociation collective (1949) en 1963.
Dans la loi
Liberté syndicale / Droit d’organisation
Liberté syndicale
Le droit à la liberté syndicale est réglementé par la législation.
Discrimination antisyndicale
La législation interdit la discrimination antisyndicale mais ne prévoit aucun moyen de protection adéquat.
Obstacles juridiques à l’établissement d’organisations
- Pouvoir de refuser l’enregistrement officiel pour des raisons arbitraires, injustifiées ou ambiguës
- Article 120 (2) de la Proclamation sur le travail n° 1156/2019 : " Le ministère ou l'autorité compétente peut refuser d'enregistrer une association pour l'un des motifs suivants : (2) Lorsque les objectifs et le statut de l'association sont illégaux (...) et (4) Lorsqu'un ou plusieurs de ses dirigeants élus ont été restreints de certains droits civils par un tribunal et que l'association ne souhaite pas les remplacer."
- Un nombre minimum de membres excessif est nécessaire pour établir un syndicat
- En vertu de l’article 114 de la proclamation sur le travail n° 1156/2019, dix travailleurs minimum sont nécessaires pour pouvoir établir un syndicat.
Restrictions au droit des travailleurs/euses de former des syndicats de leur choix et d’y adhérer
- Imposition par la loi de restrictions au droit des travailleurs/euses d’adhérer à un syndicat de leur choix
- L’article 114 (7) de la proclamation sur le travail n° 1156/2019 stipule que les travailleurs/euses ne peuvent appartenir à plus d’un syndicat pour le même emploi.
Restrictions au droit des syndicats d’organiser leur gestion
- Autorités administratives habilitées à dissoudre, à suspendre ou à annuler unilatéralement l’enregistrement d’organisations syndicales
- L’article 122 de la proclamation sur le travail n° 1156/2019 accorde au ministre le droit de saisir le tribunal compétent pour dissoudre un syndicat s’il considère que ce syndicat a commis des actes illégaux ou des actes qui ne sont pas conformes à ses Statuts.
Catégories de travailleurs/euses à qui la loi interdit ou restreint la possibilité de former un syndicat ou d’y adhérer, ou d’occuper une fonction syndicale
- Autres catégories
- En vertu de l'article 3 de la proclamation sur le travail 1156/2019, les travailleurs dont les relations de travail découlent d'un contrat conclu aux fins d'éducation, de traitement, de soins, de réadaptation, d'éducation, de formation (autre que l'apprentissage) ; (ii) les cadres ; et (iii) les travailleurs sous contrat de service personnel à des fins non lucratives sont exclus du champ d'application de la législation.
- Autres fonctionnaires ou agents publics
- Les travailleurs/euses dans le secteur public, notamment les juges et les procureurs (article 3 de la proclamation sur le travail n° 377/2003).
Droit de négociation collective
Droit de négociation collective
Le droit de négociation collective est reconnu par la législation.
Restrictions au principe de négociation libre et volontaire
- Exclusion de certaines questions du champ de la négociation (par exemple, salaires, horaires)
- Les sections 129 et 130 de la proclamation sur le travail n° 1156/2019 restreignent le champ des sujets couverts par la négociation collective.
Limitations ou interdiction de la négociation collective dans certains secteurs
- Autres fonctionnaires et agents publics
- Il n'est pas clair si et dans quelle mesure les fonctionnaires, y compris les enseignants des écoles publiques, ont le droit de négocier collectivement.
Droit de grève
Droit de grève
Le droit de grève est reconnu par la législation mais est strictement réglementé.
Obstacles juridiques aux actions de grève
- Obligation d’atteindre un quorum excessif ou d’obtenir une majorité excessive lors d’un vote pour convoquer une grève
- Art.159(3) Labour Proclamation No. 1156/2019 stipule qu’une grève ne peut être convoquée que si la majorité des travailleurs/euses votent en faveur de l’action lors d’une réunion à laquelle assistent au moins les deux tiers des membres du syndicat.
- Préavis/période de réflexion excessivement longs
- L’article 161(1) de la proclamation sur le travail n° 377/2003 prévoit que 30 jours doivent s’être écoulés après la décision rendue en la matière par le Conseil ou le tribunal du travail avant que le préavis de grève ne puisse être présenté, au moins dix jours au préalable.
Limitations ou interdiction de grèves dans certains secteurs
- Détermination discrétionnaire ou liste excessivement longue des « services essentiels
services essentiels
Services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. C’est par exemple le cas du secteur hospitalier, des services d’approvisionnement en électricité et en eau et du contrôle du trafic aérien. Les grèves y sont soumises à des restrictions, voire interdites.
Voir Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI » dans lesquels le droit de grève grève Forme d’action collective la plus répandue, la grève désigne un arrêt de travail concerté sur une période limitée et peut revêtir de nombreuses formes.
Voir grève générale, grève intermittente, grève tournante, grève d’occupation, grève de solidarité, grève sauvage est interdit ou strictement limité - En vertu de l'article 137(2) de la proclamation du travail 1156/2019, les services publics essentiels comprennent : a) les services de transport aérien ; b) l'approvisionnement en énergie électrique c) l'approvisionnement en eau et les services de nettoyage et services d'assainissement ; d) les services de transport urbain sur rail léger e) Hôpitaux, cliniques, dispensaires et pharmacies ; f) services de pompiers ; et g) services de télécommunication.
En pratique
La confédération syndicale Confederation of Ethiopian Trade Unions (CETU) a indiqué dans son rapport 2019 que des employeurs avaient essayé à maintes reprises de s’ingérer dans les affaires des syndicats, notamment en retenant les cotisations syndicales. Les employeurs concernés sont les suivants : Amaga Foam Factory, Modern Plastic Factory, Agar Security Services, Adama General Medial College, Hidase Telecom, Niyala Flour Factory, et Ahadox Food Complex.
D’autres entreprises portent une atteinte manifeste au droit de négociation collective en refusant de négocier avec les syndicats représentatifs ou en retardant les négociations. C’est par exemple le cas des entreprises Galdi PLC, Gebison Youth Academy, Nib Transport, Nok Transport, Kaojeje Food Complex, Tina Food Factory, Hilina Food Factory, Kebrom Plastic Factory, Mentu Plastic Factory, et Orkid Business Group.
Le 9 mai 2019, suite à la fusion des compagnies aériennes Ethiopian Airways Enterprise et Ethiopian Airlines pour former Ethiopian Airlines Group, les employé(e)s ont créé un syndicat unique rassemblant les fédérations syndicales du transport et de la communication.
Depuis la fusion, la direction d’Airlines Group a pris des mesures visant à sanctionner les membres du syndicat. Certains ont signalé que la direction avait cessé de verser des indemnités aux commandants de bord qui avaient décidé d’adhérer au syndicat. Par ailleurs, la direction avait écrit au ministère du Travail pour tenter d’empêcher l’enregistrement du syndicat.
Depuis que le syndicat est enregistré, la direction d’Airlines Group essaie constamment de limiter les activités légales du syndicat ; elle lui a notamment interdit de recruter des membres dans les locaux de l’entreprise, elle a licencié deux pilotes en raison de leurs activités syndicales, licencié le président du syndicat, qui est pilote, et intimidé les travailleurs dans le but de les dissuader d’adhérer au syndicat.
En empêchant le syndicat de mener à bien ses activités et en traitant de manière discriminatoire les travailleurs qui ont une activité syndicale, la direction d’Airlines Group enfreint clairement la Convention n°87 de l’OIT
Organisation internationale du travail
Structure tripartite créée par les Nations Unies (ONU) en 1919 pour promouvoir de bonnes conditions de vie et de travail. Principale instance internationale chargée de développer et de contrôler les normes internationales du travail.
Voir tripartisme, Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI
sur la liberté syndicale.
Neuf contrôleurs aériens éthiopiens ont été arrêtés pour avoir prétendument organisé un boycott du travail durant une semaine. Les contrôleurs aériens ont débrayé le 25 août 2018 pour réclamer une amélioration de leurs conditions de travail, le paiement de leurs heures supplémentaires, ainsi qu’une hausse de leurs salaires.
Selon le commissaire adjoint de la police Tekolla Ayfokiru, « neuf employés ont empêché l’atterrissage des vols internationaux à l’aéroport international de Bole », centre névralgique du pays.
L’autorité éthiopienne de l’aviation civile (ECAA), l’employeur, a qualifié cette grève d’illégale. Ce même employeur a également déclaré qu’une révision des salaires était en cours.
Le colonel Wesenyelew Hunegnaw, à la tête de l’ECAA, aurait déclaré : « Certains employés grévistes reprennent le travail. Les autres devraient présenter leurs excuses par courrier et reprendre le travail. Ils ont jusqu’à jeudi (4 septembre). »
Le 6 août, plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues, dans plus de 200 villes d’Oromia, le plus grand État régional éthiopien, pour manifester contre la persécution systématique et d’une ampleur considérable perpétrée par le gouvernement. D’après les médias locaux, plus de 50 personnes ont été tuées lorsque la police et les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les travailleurs/euses qui manifestaient pacifiquement et des milliers d’autres personnes ont été arrêtées. Les manifestations ont débuté en novembre 2015, au moment où le gouvernement a présenté son nouveau plan d’urbanisme, « Addis Ababa City Integrated Master Plan », destiné à étendre les limites territoriales de la capitale Addis-Abeba jusqu’aux villes et villages limitrophes appartenant à la communauté oromo. Les dirigeants politiques et les militants oromo ont signalé que le plan, tel qu’il était conçu, obligerait des millions d’agriculteurs de la région à quitter leurs terres ancestrales, ce qui risquait de faire disparaître la culture et l’identité oromo.
Le 28 juillet 2014, l’hôtel Sheraton Addis a ordonné à 65 de ses travailleurs de quitter l’hôtel immédiatement et a envoyé les lettres de licenciement. Un grand nombre d’entre eux avaient travaillé pour l’hôtel pendant de nombreuses années, dans certains cas jusqu’à 16 ans. Les préavis de licenciement faisaient état « de mauvaises relations avec la direction », mais la fédération syndicale internationale UITA, qui représente les travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture et de l’hôtellerie, considère que la véritable raison était leur affiliation syndicale.
Le syndicat représentant depuis de nombreuses années les travailleurs du Sheraton Addis avait commencé à négocier le renouvellement de leur convention collective
convention collective
Accord, généralement écrit, qui intègre les résultats de la négociation collective entre les représentants des travailleurs et des employeurs.
Voir négociation collective
. Tant les travailleurs que la direction avaient convenu que la commission d’arbitrage
arbitrage
Mécanisme de résolution extrajudiciaire des litiges impliquant l’intervention d’un tiers neutre, qui peut être soit un arbitre unique, soit une commission d’arbitrage. Dans le cadre d’un arbitrage non contraignant, les parties en désaccord sont libres de rejeter la recommandation émise par le tiers. Si elles se soumettent à un arbitrage contraignant, elles sont alors liées par sa décision. On parlera d’arbitrage obligatoire lorsqu’il s’agit d’une procédure prescrite par la loi ou relevant d’une décision des autorités, à laquelle les parties ne se soumettent pas volontairement.
Voir conciliation, médiation
du gouvernement assisterait à ces négociations – qui progressaient normalement jusqu’à ce que la direction se retire unilatéralement du processus. Deux jours plus tard, la direction a envoyé des lettres de licenciement à 65 employés, tous syndiqués, y compris les négociateurs choisis par la direction et les responsables syndicaux. Le 31 juillet, la direction s’est retirée des négociations au prétexte qu’elle n’avait pas de raison de négocier avec des employés dont les contrats avaient été résiliés.
Les enseignants des écoles publiques continuent d’être privés du droit de former des syndicats et d’y adhérer. L’Independent National Teachers’ Association (NTA), organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. indépendante affiliée à l’Internationale de l’éducation (IE), a été formée en 2008 après que la Cour suprême fédérale a ordonné que le nom, le logo, de même que la totalité du patrimoine et des avoirs bancaires de l’organisation organisation Processus consistant à former ou à s’affilier à un syndicat ou à inciter d’autres travailleurs à former ou à s’affilier à un syndicat. alors dénommée Ethiopian Teachers’ Association (ETA) soient transférés au syndicat agréé par le gouvernement, démantelant dès lors l’association des enseignants naguère largement indépendante. La demande d’enregistrement légal de la NTA a été rejetée par le ministère de la Justice au motif qu’une association nationale des enseignants existait déjà. La deuxième tentative d’enregistrement, en février 2010, a été systématiquement découragée verbalement par des responsables de la Charities and Societies Agency (agence des associations caritatives et des sociétés). La NTA n’a, toutefois, reçu aucune notification officielle de l’Agence à ce jour. La NTA n’étant pas encore enregistrée, ses membres ne bénéficient pas du droit garanti de mener des négociations collectives.
Les membres de l’association indépendante des enseignants ont fait l’objet, au cours des années, de harcèlement, de licenciements, d’arrestations, de tortures, voire d’assassinats. Le gouvernement éthiopien n’a toujours pas entrepris de démarches en vue de l’ouverture d’une enquête exhaustive et indépendante sur les allégations d’arrestations, de tortures et de maltraitances à l’encontre de syndicalistes en détention. L’OIT
Organisation internationale du travail
Structure tripartite créée par les Nations Unies (ONU) en 1919 pour promouvoir de bonnes conditions de vie et de travail. Principale instance internationale chargée de développer et de contrôler les normes internationales du travail.
Voir tripartisme, Guide des droits syndicaux internationaux de la CSI
a demandé instamment au gouvernement d’enregistrer sans délai la NTA.
Le gouvernement s’ingère ouvertement dans les affaires internes des syndicats dans tous les secteurs et plus particulièrement dans les secteurs des banques et de l’éducation. De nombreux dirigeants syndicaux font fréquemment l’objet d’intimidation et la plupart sont démis de leurs fonctions et/ou contraints de quitter le pays. Le gouvernement surveille de près les activités de la Confederation of Ethiopian Trade Unions (CETU).