Mozambique

L’organisation affiliée à la CSI au Mozambique est l’Organizaçâo dos Trabalhadores de Moçambique (Organisation des travailleurs/euses du Mozambique – OTM).
Le Mozambique a ratifié la convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) en 1996 et la convention n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949) en 1996.
Dans la loi
Liberté syndicale / Droit d’organisation
Liberté syndicale
Le droit à la liberté syndicale est réglementé par la législation.
Discrimination antisyndicale
La législation interdit la discrimination antisyndicale mais ne prévoit aucun moyen de protection adéquat.
Obstacles juridiques à l’établissement d’organisations
- Autorisation ou approbation préalables par les autorités nécessaires pour établir un syndicat
- La loi sur le travail accorde un délai de 45 jours à l'organe central de l'administration du travail pour procéder à l'enregistrement d'une organisation syndicale (art. 150 du Code du travail).
- Un nombre minimum de membres excessif est nécessaire pour établir un syndicat
- Comme l'a noté la commission d'experts de l'OIT, les seuils de représentativité pour la création de fédérations provinciales, de fédérations nationales et de confédérations sont particulièrement élevés dans le secteur public.
Restrictions au droit des syndicats d’organiser leur gestion
- Restrictions au droit d’élire des représentants et de s’autogérer librement
- L'article 18, paragraphe 2, de la loi sur le droit d'organisation dans la fonction publique prévoit que seuls les membres qui, conformément à la loi, ont le statut de fonctionnaires peuvent être désignés comme représentants syndicaux. Comme l'a souligné la Commission d'experts de l'OIT, cet article semble limiter l'accès à la fonction de représentation syndicale à un statut professionnel spécifique et exclure les fonctionnaires retraités.
- Autorités administratives habilitées à dissoudre, à suspendre ou à annuler unilatéralement l’enregistrement d’organisations syndicales
- La section 17(c) de la loi sur le droit d'organisation dans la fonction publique prévoit qu'un syndicat peut être dissous par décision judiciaire suite à une action du procureur général, non seulement lorsqu'il est constaté que les véritables objectifs de l'organisation sont illégaux, mais aussi lorsqu'ils sont contraires à la moralité publique ou très différents des buts énoncés dans ses statuts.
Catégories de travailleurs/euses à qui la loi interdit ou restreint la possibilité de former un syndicat ou d’y adhérer, ou d’occuper une fonction syndicale
- Autres fonctionnaires ou agents publics
- L'article 4 de la loi sur le droit d'organisation dans la fonction publique (loi n° 18/2014) prévoit que l'exercice de la liberté d'association par 16 catégories de fonctionnaires (dont les officiers de police, les forces armées, les services pénitentiaires, les services de migration, les services d'aide publique, les magistrats et diverses catégories de fonctionnaires exerçant des fonctions de direction ou occupant des postes de confiance) sera réglementé par une législation spécifique. L'article 57 de la loi prévoit que tous les fonctionnaires et employés peuvent, s'ils le souhaitent, créer des organisations syndicales et y adhérer, à l'exception des fonctionnaires visés aux paragraphes (d) et (e) de l'article 4, qui concernent les fonctionnaires occupant des postes de confiance, les postes diplomatiques et les agents des forces paramilitaires, y compris les gardes forestiers et les inspecteurs.
Droit de négociation collective
Droit de négociation collective
Le droit de négociation collective est reconnu par la législation.
Droit de grève
Droit de grève
Le droit de grève est reconnu par la législation mais est strictement réglementé.
Obstacles juridiques aux actions de grève
- Autres formalités excessivement complexes ou de longue durée pour convoquer une grève
- L'article 207 de la loi sur le travail prévoit que le préavis de grève doit indiquer la durée de la grève.
- Recours obligatoire à l’arbitrage ou à des procédures de conciliation et de médiation longues et complexes préalablement aux actions de grève
- L'article 212 de la loi sur le travail prévoit qu'il peut être mis fin à une grève par une décision de l'organe de médiation et d'arbitrage.
Ingérence injustifiée par les autorités ou les employeurs au cours d’une grève
- Autorités ou employeurs habilités à empêcher une grève ou à y mettre fin en soumettant le différend à l’arbitrage
- L'article 189 de la loi sur le travail prévoit un arbitrage obligatoire pour les services suivants qui sont jugés essentiels : les services postaux, le chargement et le déchargement des animaux et des denrées périssables, l'approvisionnement en carburant, les services de sécurité privée et les zones franches d'exportation.
Dispositions sapant le recours aux actions de grève ou leur efficacité
- Sanctions civiles ou pénales excessives imposées aux travailleurs/euses et aux syndicats impliqués dans des actions de grève non autorisées
- En vertu de la loi sur le travail, toute violation des articles sur la liberté de travailler des personnes qui ne font pas grève et sur les services minimums constitue une infraction disciplinaire, engageant la responsabilité civile et pénale des travailleurs grévistes. En outre, l'avant-projet de loi générale sur les fonctionnaires prévoit des peines d'emprisonnement et des amendes lorsqu'un piquet de grève entrave le fonctionnement normal des services (art. 268(3) de la loi du travail).
Limitations ou interdiction de grèves dans certains secteurs
- Restrictions injustifiées en ce qui concerne les fonctionnaires
- L'article 7, paragraphe 3, de la loi sur le droit d'organisation dans la fonction publique prévoit que l'exercice du droit de grève par les fonctionnaires et les employés doit être réglementé par une législation spécifique.
- Détermination discrétionnaire ou liste excessivement longue des « services essentiels » dans lesquels le droit de grève est interdit ou strictement limité
- Les services essentiels énumérés à l'article 206 de la loi sur le travail comprennent les services postaux, le chargement et le déchargement d'animaux et de denrées alimentaires périssables, les services de contrôle météorologique, l'approvisionnement en combustibles, et les zones franches.
En pratique
Quelque 250 travailleurs mozambicains dans la mine de charbon de Chirodzi se sont mis en grève en janvier 2015 pour protester contre la discrimination salariale suite au refus de de l’employeur de négocier. Les travailleurs de la mine, gérée par l’entreprise indienne Jindal Mozambique Minerals, se sont plaints qu’ils percevaient à peine 7500 MZN alors que les travailleurs indiens conduisant les tombereaux percevaient plus de 35 000 MZN par mois en effectuant le même travail. Les grévistes se sont plaints que lorsqu’ils ont essayé de négocier leurs revendications salariales avec la direction, on leur a signalé que, s’ils n’étaient pas satisfaits de leur salaire, ils pouvaient partir étant donné que « la main-d’œuvre ne manquait pas au Mozambique ».
Le 30 avril 2014, le Parlement mozambicain, l’Assemblée de la République, a adopté un projet de loi établissant les droits syndicaux pour les travailleurs dans l’administration publique. Les services de défense et de sécurité, le personnel pénitentiaire, les pompiers, les juges et procureurs, l’administration fiscale et le personnel travaillant dans le Cabinet du président sont exclus de l’application du projet de loi. Le projet de loi n’inclut, toutefois, pas le droit de grève dans la mesure où le gouvernement a indiqué qu’il s’agissait d’une question distincte. La Renamo, l’ancien mouvement rebelle devenu parti politique, a essayé de soumettre un projet de loi pratiquement identique qui reconnaissait le droit de grève, en en indiquant que le syndicalisme sans droit de grève n’a pas de sens, mais le projet de loi a été rejeté.
En mai 2013, les personnels de santé se sont mis en grève pendant dix jours, cessant le travail dans les établissements de santé pour demander des hausses de salaire, la normalisation et le réajustement des tarifs des urgences. Le 26 mai 2013, le président de l’Associação Médica de Moçambique (Association médicale du Mozambique), le Dr. Jorge Arroz, a été arrêté par la police et accusé de sédition pour incitation à la grève. Il a été libéré quelques heures plus tard.
D’après une déclaration du 24 avril 2012 de l’Organizaçâo dos Trabalhadores de Moçambique (OTM), au moins 30 travailleurs/euses auraient été licenciés au cours de l’année précédente parce qu’ils avaient défendu leurs droits légitimes au travail. Ils étaient tous membres et dirigeants des sections de Maputo du syndicat des travailleurs de l’alimentation et de l’hôtellerie ou du syndicat des travailleurs du commerce.
Le nombre de travailleurs/euses contractuels et intérimaires au Mozambique a augmenté depuis que des changements ont été apportés à la législation du travail en 2007, facilitant l’embauche de travailleurs/euses sous contrat à durée déterminée. Lors d’une visite à une usine à Maputo en septembre 2010, le Syndicat des travailleurs de la chimie et des secteurs connexes du Mozambique a constaté que pratiquement la moitié des 1.700 employé(e)s étaient des travailleurs/euses sous contrat et a, par ailleurs, découvert que dans une autre usine toute la main-d’œuvre était engagée à travers des agences de placement.
Bien que la loi accorde les mêmes droits à tous les travailleurs/euses, les entreprises préfèrent ne pas informer les travailleurs/euses contractuels et intérimaires sur leurs droits et les représentants syndicaux sont rejetés. En ne connaissant pas leurs droits, les travailleurs/euses s’exposent davantage à l’exploitation. Par conséquent, les travailleurs/euses contractuels et intérimaires ne reçoivent pas d’augmentation salariale, les employeurs ne cotisent pas à la sécurité sociale et la protection en matière de santé et de sécurité est ignorée.
Dans une usine chimique, un travailleur intérimaire a eu un accident alors que le sac qu’il portait s’est déchiré et les produits chimiques lui ont brûlé la peau. Tant l’entreprise que l’agence ont refusé de prendre en charge son traitement, chacun déclinant toute responsabilité. Le travailleur est finalement décédé de ses blessures. Les syndicats oeuvrent actuellement pour soutenir et syndicaliser les travailleurs/euses contractuels et intérimaires avec le soutien d’un projet de l’ICEM.
L’Organisation des travailleurs du Mozambique (OTM-CS) a dénoncé les actes de discrimination à l’encontre des syndicalistes dans les zones franches d’exportation (ZFE) : licenciements de militants ou d’adhérents, violations des conventions collectives lorsqu’elles existent, etc. En outre, le droit de grève y est rendu difficilement praticable, les dispositions légales sur les services essentiels y étant d’application.
Si les relations entre partenaires sociaux au niveau national sont considérées comme bonnes par l’Organisation des travailleurs du Mozambique (OTM-CS), la centrale syndicale a toutefois demandé d’être davantage associée dans la réforme des salaires de la fonction publique, rappelant le manque de transparence qui a prévalu jusqu’ici. Au niveau des entreprises, le bilan est mauvais dans la mesure où les syndicats n’ont pas pu se développer. Les employeurs ont continué à se montrer très hostiles envers les représentants des travailleurs et la discrimination antisyndicale demeure un problème étant donné que le Code du travail de 2007 ne prévoit pas de sanctions suffisamment dissuasives et les contraintes légales en matière de rassemblements ou de réunions de travailleurs sur les lieux de travail sont très strictes. Les conventions collectives sont rares et constamment violées, ce qui a entraîné plusieurs conflits sociaux. Le gouvernement n’a répondu à aucune des demandes de l’OIT de rendre compte des mesures prises pour promouvoir la négociation collective libre et volontaire.